...

Un mois à Cusco - clap de fin sur notre aventure péruvienne

Arrivés le 30 septembre, repartis le 30 octobre : nous ne pensions pas rester un mois entier à Cuzco, sans pédaler, mais les aléas du voyage en ont décidé autrement…

 

Nos mésaventures

Déjà, le deuxième matin, j'ai dû être hospitalisée après une nuit épouvantable. J'arrive à peine à me lever. Le diagnostic tombe : fièvre typhoïde, infection, déshydratation. Et cela malgré le vaccin que j'ai reçu en France. Cela explique la fatigue que je ressens depuis quelques jours. Je vais rester quatre jours à l'hôpital. Heureusement, nous pouvons compter sur notre chère assurance, Ava, qui nous permet d'être pris en charge et suivis. C'est drôlement rassurant et l'équipe est parfaite. Sans compter que notre chambre à l'hôpital est quasiment luxueuse : il y a une baignoire dans la salle de bain, une belle vue sur Cusco et Baudouin peut rester dormir. Lorsque je suis enfin remise sur pieds, quelques jours après ma sortie de l'hôpital, nous partons pour le fameux trek du Choquequirao, fabuleux (j'en parle plus loin dans cet article). Puis, plus tard, lors de notre expédition pour le Machu Picchu, c'est au tour de Baudouin d'avoir une intoxication alimentaire carabinée. Décidément ! 

Enfin, malgré nos espoirs, il faut se rendre à l'évidence : on ne va pas pouvoir passer la frontière terrestre pour la Bolivie, au niveau du lac Titicaca. Les sons de cloches que nous avons sont vraiment décourageants. Nous préférons ne pas tenter le diable et risquer d'arriver au niveau de la frontière, sur la rive nord du lac Titicaca, après dix jours de vélo, avec la probabilité de nous voir refuser un passage officiel. Ce qui nous ferait perdre encore un temps précieux pour rentrer à Cusco, trouver dans l'urgence un billet d'avion pas trop hors de prix... sans compter que notre permission de 90 jours sans visa sur le territoire peruvien expire mi-novembre. Bref, nous optons pour l'avion, fortement dépités. 

 

Nos virées touristiques

Notre séjour prolongé à Cuzco, ville superbe, nous aura tout de même permis de jouer les touristes et nous avons eu la chance de faire trois très belles excursions, laissant nos vélos dans notre petit hôtel. Nous logeons à La Estrellita, à 6 minutes à pied de la Plaza de armas et du très bohème quartier San Blas. L'hôtel est tenu par une famille avec le vieil oncle un peu bourru mais sympathique, qui nous fait bientôt bouillir une casserole d'eau tous les matins, pour notre petit-déjeuner.

Une super adresse, que nous avons glané sur le site des Increvables voyageurs. Pour 30 soles (6 euros) par nuit nous avons une chambre double assez spacieuse, au rez-de-chaussée d'une grande cour ensoleillée où se trouvent deux tables avec parasols. Notre petite salle de bain est à part, en face. 

 

Le Choquequirao, ambiance cité perdue

Le "Choque", comme l'appellent les randonneurs, est la soeur du Machu Picchu, une cité perdue bien moins touristique - elle n'est accessible qu'à pieds ou à dos de mule en une à une journée et demi - et bien moins connue des scientifiques - seuls 40% des 1800 hectares ont été défrichés à ce jour. Le site reste donc mystérieux...

C'est un lieu incroyable qui est encore relativement préservé et confidentiel, même si la donne change : il y a encore deux ans, les marcheurs veinards pouvaient planter leur tente à même les ruines ! Et il est question depuis plusieurs années de construire un téléphérique pour en faciliter l'accès... 

La randonnée commence par une immense descente à flanc de montagne, avec un point de vue vertigineux sur la rivière Apurimac qui coule en contrebas et les monts alentour. Époustouflant... et sacrément rude pour les genoux ! A mesure que nous descendons, sur une piste de terre recouverte de pierres, la végétation se fait plus tropicale et la chaleur moite et assommante. 

Après la descente, on passe un pont suspendu (il y a encore quelques années, la traversée se faisait avec une tyrolienne !) et, de l'autre côté de la rivière, la grande ascension commence. Elle est costaude avec une piste très raide, encore une fois à flanc de montagne, bordée de cactus, d'aloe vera et de grands arbres qui prodiguent une fraîcheur salvatrice. 

Le soir du premier jour, nous dormons au camping Rosalina et, le lendemain, c'est parti pour la suite de l'ascension. Nous montons seulement deux heures, mais nos jambes s'en souviennent ! Là, plusieurs endroits permettent de planter sa tente ou, mieux, pour ceux qui ont la bonne idée de marcher léger, d'en louer une ! Ensuite, il faut marcher une trentaine de minutes, avec quelques passages raides et vertigineux, pour arriver à l'entrée du site. Qui est immense ! Une journée n'est clairement pas de trop pour accéder à la partie basse (les terrasses) et à la partie haute, perchée tout en haut de la montagne. Baudouin y est allé seul : une crise de vertige m'a hélas empêché de prendre le sentier jusqu'au bout...

La splendeur du Choquequirao doit beaucoup à son emplacement : le relief vertigineux des montagnes recouvertes d'une végétation luxuriante ambiance Amazonie, le rio qui coule en contrebas et, plus loin, la chaîne de montagne recouverte de neige. Bref, une splendeur !

Le quatrième et dernier jour, nous mettons le réveil à 4 heure pour un départ à 5 ! Repli de la tente et petit déjeuner dans la pénombre. Quel bonheur : nous marchons avec le jour qui se lève et les dernières étoiles qui brillent. Une longue montée nous attend et nous savourons la fraîcheur qui va bientôt disparaître. À 7 heures du matin, le soleil illumine et réchauffe tout le flanc de la montagne et nous mourrons bientôt de chaud. Au détour d'un virage, j'aperçois, qui traverse la piste nonchalamment, une immense… mygale ! Je frissonne de la tête aux pieds. Elle est noire, avec d'immenses pâtes et une tâche orange sur son gros abdomen. Hélas, je n'ai plus de batterie pour immortaliser la terrible rencontre et Baudouin est plus loin derrière. D'ailleurs il ne me croira pas… je la laisse passer en m'éloignant précautionneusement et je poursuis ma route, enfonçant bien mes bâtons dans le sol pour produire des vibrations dissuasives, en me promettant de ne plus m'asseoir nulle part. 

C'est un trek que nous recommandons chaudement, sur 4 jours au moins pour bien profiter du site. A noter qu'il est possible de continuer vers le Machu Picchu !

 

Le Machu Picchu, aussi touristique que grandiose

Au risque de paraître terriblement snobs, nous avons un temps hésité à aller visiter le "Machu". Nous avions entendu des sons de cloches forts différents : bien trop touristique, décevant etc. Et puis le prix (billets d'entrée + train depuis Cuzco) nous dissuadait. Mais HEUREUSEMENT que nous avons vécu cette expérience, même si Baudouin n'était pas en grande forme. Merci à Pauline et Lucille, deux amies qui ont baroudé au Pérou avant nous, d'avoir insisté. Nous avons opté pour une solution plus économique que le trajet en train Cuzco-Agua Calientes, au prix absurde. Nous avons pris le collectivo via une agence (100 soles, soit 20€, par personne pour l'aller-retour). Au programme : 7 heures de route dans la montagne jusqu'à Hydroelectrica (un itinéraire parfois éprouvant). Hydroelectrica est une minuscule bourgade située au bord des rails du train qui est, à partir de là le seul moyen, avec la marche, de se rendre à Agua Calientes, le village situé au pied du Machu Picchu, passage obligé pour visiter le site. 

Depuis Hydroelectrica, il y a 2h30 de randonnée le long des rails, dans la touffeur de la forêt tropicale, avec ses fleurs oiseaux de paradis, ses arbres à café et ses mystérieux cris d'oiseaux. Je marche en compagnie d'un sympathique couple de chilien : Marioux, équatorienne, et Raoul, natif de San Fernando, à deux heures au sud de Santiago du Chili. Lui, à la musculature imposante, a 41 ans, il est déjà grand-père et conduit des poids lourds dans une mine de cuivre. Marioux, 37 ans, vit au Chili depuis 17 ans. Elle est manucuriste et me montre ses ongles arc-en-ciel, assortis à son pantalon. Sa fille Esperanza a 15 ans. Je passe un super moment en marchant avec eux, ils m'apprennent un tas de choses sur le Chili. Là-bas, les amoureux se surnomment affectueusement Chancho et Chancha : cochon et cochonne. How charming!

Agua Calientes fait un peu ville du bout du monde, avec le fleuve aux gros glouglous sur lequel elle est érigée et l'humidité tropicale qui y règne. La petite ville, aussi appelée Machu Picchu Pueblo, est encerclée de montagnes recouvertes d'une végétation luxuriante. Un sacré spectacle ! Hélas, l'endroit est très touristique et tout est fait pour faire dépenser le gringo : chambres d'hôtel basiques à 365 soles, bol de potage à 30 soles… nous avions pris notre tente et notre réchaud, mais comme Baudouin est malade, nous essayons de trouver un hôtel, à la nuit tombée. Le rabatteur d'un restaurant, fort gentil, nous indique directement une rue, au bout de la ville, où l'on peut se faire servir un grand bol de caldo de gallina pour 10 soles. C'est l'une des adresses des locaux. Juste à côté, un petit hôtel familial : El Tambo. Je négocie une chambre double à 50 soles, ce que la propriétaire accepte tout de suite. Grand lit aux draps frais, eau chaude… bien trouvé ! Nous découvrons le sanctuaire du Machu Picchu sous un grand soleil, le lendemain, mercredi 20 octobre, en fin de matinée. Et je reste bouche bée : le site est saisissant… les montagnes, avec le fameux pain de sucre du Wayna Picchu, qui surplombe la cité inca, sont recouvertes d'une épaisse végétation, donnant un sentiment de fin fond du monde malgré le nombre de touristes (et encore, faible en cette période de pandémie). C'est exceptionnel… seul bémol : l'absence totale d'explications lorsqu'on déambule entre les ruines admirablement préservées. Nous comptions visiter le musée du Machu Picchu l'avant-veille, à Cuzco, mais il était fermé à cause de la pandémie. Heureusement nous avons les explications du Routard, mais il est parfois difficile de situer les emplacements exacts des temples et quartiers. Malgré cela et le fait que certaines parties aient été fermées au public (encore et toujours à cause du coronavirus), cette visite nous aura profondément marqués. 

 

La vallée sacrée, deux jours dans le grenier à blé des Incas

Nos cousins Pauline et Quentin nous conseillent le circuit de la Vallée sacrée, que l'on peut faire en deux jours, depuis Cuzco. De nombreuses agences proposent un tour clé en main, mais nous optons pour l'indépendance, le temps et les économies. Sans compter que de nombreux collectivos et taxis assurent les trajets entre les différents sites de la vallée : le village et les terrasses incas de Chincheros, les terrasses concentriques de Moray, prouesse agronomique qui permettaient de cultiver des fruits et légumes exotiques en bas au centre, où règne un microclimat plus chaud. Il y a aussi les superbes salinas de Maras. Le soir venu, nous arrivons en marchant sur un ancien sentier inca au très beau petit village inca bien préservé (et fort touristique) d'Ollantaytambo. 

Le paysage de la Vallée est incas est superbe : route de terre rouge vive, montagne enneigée au loin, et profusion de végétation. Notre taxi, conduit par Valerio, descend des canyons étonnants, longeant des rivières qui coulent bruyamment. On sent que la terre y est extrêmement fertile ! 

 

Épilogue péruvien

Nous nous apprêtons donc à nous envoler pour La Paz, samedi 30 octobre. Pas le choix, il faut repasser par la case "logistique" : trouver des cartons pour nos vélos, les démonter, s'assurer que c'est ok avec la compagnie d'avion, anticiper la recherche d'un taxi assez grand pour nous emmener à l'aéroport, faire les tests PCR… sans compter la déception : le saucissonnage, encore une fois, de notre parcours, l'absurdité écologique, un très gros trou dans notre budget… 

Après deux mois et demi passés au Pérou, pays immense, essentiellement loin des circuits touristiques, nous sommes heureux d'arriver bientôt en Bolivie et de pédaler et camper au milieu de ses paysages spectaculaires. Bien sûr, nous n'avons fait qu'effleurer les mystères du Pérou, ses traditions quechuas, le passé sanglant de la conquête et de l'occupation espagnole… mais nous avons croisé tant de lieux et de personnes différentes, avec des vies diamétralement opposées ! 

Les Andes péruviennes nous auront impressionnés, c'est peu de le dire, mis à l'épreuve, souvent laissés bouche-bée… nous ne sommes pas prêts d'oublier la Great Divide, notre Great Divide, un peu différente de celle qu'on avait imaginé, notamment à cause de la pandémie, mais malgré tout exceptionnelle. 

Maintenant, l'aventure Buena Onda continue et nous avons hâte de reprendre la route sur nos montures dans un tout autre univers : celui de l'altiplano bolivien...