Le récit de notre semaine dans la jolie ville de Cuenca sera bref : Augusto, Loje, Antoine, Juan-Manuel, Bolivar, Saul... Les rencontres musicales qui nous y avons fait feront l'objet d'un futur podcast !
Nous arrivons à Cuenca un dimanche midi : la ville est bien calme et nous fait bonne impression avec ses églises en brique orange qui font un petit peu penser à Florence, ses arcades impeccables et les rives fleuries de la rivière. On comprend pourquoi Cuenca est autant appréciée des Européens en voyage en Équateur : il fait bon flâner, l'ambiance est paisible et douce. Voilà qui nous change de la turbulente Quito.
Nous resterons une semaine à Cuenca, logeant dans une grande auberge de jeunesse située en plein centre, à quelques pas de la cathédrale. Elle ne paye pas de mine, vue de la rue, mais à l'intérieur, c'est immense : trois étages calmes, des douches communes, des chambres spartiates, mais propres, et, à l'étage, la cuisine, des canapés un brin vermoulus et une grande terrasse qui donne sur les dômes et les toits en vieilles tuiles de la ville, entourée avec les montagnes cachées dans la brume. A l'hostel, nous rencontrons des Français en voyage, des mordus de kitesurf, des Irlandais qui sillonnent le continent…
Mention spéciale au parc du musée Pumapungo (nom inca de la ville avant la conquête espagnol), que nous avons adoré : hélas le musée était fermé à cause de la pandémie. Nous n’avons donc pas pu voir les têtes réduites des Jivaros mais nous avons pu admirer la volière du jardin, avec ses perroquets multicolores et ses aigles royaux (même si scruter des oiseaux en cage rend plutôt triste), nous promener parmi les reconstitutions des vestiges du site inca, dans la petite plantation de maïs et de quinoa, observer les lamas impassibles… Nous retenons aussi la journée passée avec le grand guitariste Bolivar Sarmiento, qui nous invite à déjeuner, à goûter, à rencontrer son luthier. Un homme incroyable !
Nous quittons Cuenca le dimanche suivant, après un petit-déjeuner copieux au dernier étage de notre hostel, qui est un peu devenu notre maison. Voilà un mois que nous sommes arrivés en Équateur ! Nous avons hâte de reprendre la route, direction Loja, ville renommée pour la forte présence de musiciens. Mais avant, nous avons quelques jours de dénivelés sacrément costauds devant nous.
La première nuit, après une journée humide, nous installons notre bivouac près d'un grand restaurant qui semble abandonné, mais qui est en fait reconverti en fromagerie. C'est tout près de la Panaméricaine, le bruit des camions qui filent à toute allure en prime ! Après une douche sous le double toit de la tente, place à la popote. Au menu : pâtes au bouillon, ça faisait longtemps ! Le frère et la sœur qui nous ont autorisés à planter notre tente nous apportent gentiment un fromage avant de rentrer chez eux.
Le lendemain, levés aux aurores, nous commençons par une descente et un petit-déjeuner chez une dame qui essaie de nous arnaquer en nous faisant payer quasiment le double du prix. Le ventre rempli, nous sommes parés pour attaquer la grosse journée de montée qui nous attend. Le temps est doux, le paysage boisé, la pente passe toute seule, ou presque ! On ne se lasse pas du paysage andins, des reliefs, des courbes de la route dans la montagne, c'est presque hypnotique… Nous décidons tout de même, sur les coups de 17h, de nous arrêter avant de nous engager sur la grosse côte qui arrive. La journée a été intense, nos genoux nous le font sentir. Et il fait chaud !
Nous prenons un petit chemin sur la gauche, où se trouvent plusieurs maisons et champs. Nous sommes hébergés sur le champ d'une famille d'agriculteurs, un cadre bien plus bucolique que la veille avec une très belle vue sur les montagnes et un magnifique coucher de soleil (et une bonne quantité de moustiques), bercé par le bruit de l'arrosage automatique.
Le lendemain, le 27 juillet, la route grimpe fort mais c'est toujours aussi beau jusqu'à la ville de Saraguro ! Descendus de nos montures dans la rue principale où se succèdent des panaderias aux vitrines remplies de gros gâteaux colorés à la crème, des petites tiendas remplies de fruits et des restaurants bon marché, nous savourons un bon jus d'oranges frais et un délicieux almuerzo à bases de crevettes frites. Motivés, nous décidons de repartir jusqu'à San Lucas, à 20km dont… un très gros dénivelé. Esperanza, la propriétaire du restaurant, nous dit que son amie Fanie pourra nous laisser planter notre tente dans son jardin. La matinée a été intense, l'après-midi l'est tout autant, voire davantage : nos cuisses et nos genoux souffrent. Mais le paysage est, une fois de plus, superbe : nous pédalons dans la montagne à l'heure où le soleil décline doucement sur les champs de blé et de maïs, accentuant tous les contrastes. Nous croisons de belles maisons avec des jardins fleuris. La pente est si difficile que nous avons peur de ne pas réussir à atteindre San Lucas avant la nuit… mais si ! Fanie et son fils Junior nous accueillent et nous montons la tente au milieu des poules, observés par un chaton qui n'arrête pas de jouer avec les cordelettes du double toit. Après un bon dîner de légumes au réchaud, nous tenterons de dormir malgré le bruit des voitures et des chiens qui aboient. Sans succès !
Nous attaquons donc notre dernière journée de route avant Loja assez fatigués. Heureusement, la route que nous choisissons de prendre, une route de terre alternative à la Panaméricaine, va vite se révéler l'un des plus beaux tronçons de notre voyage en Equateur ! De plus, Baudouin a trouvé une Casa de ciclistas à Loja. Nous n'avons pas plus d'infos sur l'endroit, mais nous savons qu'un amateur de vélo nous y attend en fin de journée et accepte que nous plantions notre tente chez lui.
Le petit chemin sinueux, en terre battue rouge, longe le torrent, cerné par les montagnes où broutent des vaches quasiment à la verticale et où les agriculteurs cultivent des champs tels des alpinistes. C'est magnifique et impressionnant. On se sent tout petits dans ces gorges, où sont installées, ici et là, des maisons en bois, entourées de végétation, dont certaines sont perchées sur des pilotis. En pédalant silencieusement, on imagine la vie de ces gens de la rivière… Nous avançons dans ce paysage incroyable jusqu'à l'heure du déjeuner, alternant montées et descentes dans la caillasse.
Nous mangeons le meilleur almuerzo du voyage dans la petite ville qui suit, dont les rues portent des noms de peintres : Picasso, Modigliani, Michel-Ange… Du riz frit au lard et aux légumes, un délice !
Je fatigue. La journée d'hier se fait sentir. Heureusement, la suite du parcours, c'est-à-dire les 15km qui nous séparent de Loja, est facile et particulièrement agréable : nous longeons la rivière sur un "sentier écologique". On se croirait dans un grand parc. Nous croisons bientôt des cyclistes, des familles en promenade et des joggeurs. Arrivés près de la Casa de ciclistas, un homme vient vers nous : "Soy Pablo !" C'est lui, notre hôte. Jeune, cool, ses cheveux noirs bouclés ramenés en chignon, de grandes lunettes : on le suit et il puisse une grande porte bleue et jaune décorées de notes de musique, de masques de la Comédie del'Arte et de bicyclettes. Et là… un petit paradis ! Un grand patio couvert par une verrière de bric et de broc, au milieu duquel trône un immense citronnier. Au sol, du vieux parquet, et, partout, de confortables fauteuils et canapés dépareillés, des lampes fabriquées à partir de roues de vélo et, aux murs, des photographies, pages de BD et autres œuvres hétéroclites. "Lemon Trip" est un endroit incroyable : à la fois centre culturel, restaurant, Casa de ciclistas… nous n'en revenons pas ! Quel pied de passer quelques jours ici. Pablo nous emmène au fond. Un petit jardin avec un grand figuier donne sur une petite habitation vide : parfaite pour y installer nos matelas et nos duvets. Il y a même une douche ! Nous proposons de cuisiner le dîner. Deux heures plus tard, nous sommes tous autour d'une table avec Pablo, Andres, le chef cuistot ravi de partager sa cuisine avec nous, et Maria-Helena, la serveuse d'origine vénézuélienne. Nous dégustons le "Pollo al carbon" que nous sommes allés chercher et une grosse poêlée de légumes. En dessert, Baudouin fait des crêpes !
Nous allons nous coucher ravis : quelle journée !